Nouvelle attribution pour un denier lorrain
La monnaie
Il s’agit d’un denier attribué par M. Flon à Ferri IV, en voici la légende.
MONETA au revers avec une épée en pal
D’ FE . R. à l’avers avec une sorte de personnage qui pourrait être un moine et qui tient un oiseau de proie de la main gauche et un couteau ou poisson de la main droite.
Pour cette monnaie, les poids fort variables observés ne permettent pas de se faire une idée juste de la taille. Il faudrait une étude métrologique poussée pour permettre quelques conclusions.
Les origines du type
Cette monnaie est une imitation d’un type ducal. M. Flon attribue à Ferri III. Je pense personnellement que les premiers exemplaires ont été forgés par Thiébaut II et ceux avec la légende F DVX sont à donner à son fils Ferri IV (il existe d’ailleurs toute une série de monnaies que M. Flon attribue indistinctement à Ferri III et Ferri IV qui sont à rendre à ce dernier)
Denier de Thiébaut II
Denier de Ferri IV
Les Imitations
Plusieurs seigneurs et prélats lorrains ont imités cette monnaie.
Renaud de Bar, évêque de Metz
Une des plus importantes fabrications semble être celle de Renaud de Bar, évêque de Metz.
On voit l’évêque debout tenant sa crosse et les évangiles et une épée en pal sur l’autre face.
La légende peut se lire ainsi
R ENAud et EPI NAV pour Epinal
Renaud Ep i Scopus et ESPI NAVS
Renaud De Bar et EPI NAV
Pour ce dernier type de Renaud de Bar, il est étrange qu’il ait adopté le chevalier debout comme sur les types ducaux mais les légendes permettent difficilement une autre interprétation. Il frappa peut-être ce type en tant qu’administrateur du Barrois pendant la minorité du comte Edouard.
Cité de Toul
Pas de souci pour la légende
TOVL et NO CITEI pour notre cité Il existe une variante avec CITEL
Anonyme des évêques de Toul
Plusieurs deniers de ce type n’ont pas de légendes qui permettent de les associer à un prélat plutôt qu’un autre. On ne peut reconnaitre que les ateliers de fabrication.
MONETA De LIBERduno pour Liverdun
MONETA IN TuLo pour Toul
MONETA De BrIsseyo pour Brixey aux chanoines
Henri III de Vaudémont
On peut lire la légende ainsi :
Henri Comes Vaudemont X Le X ayant été ajouté probablement pour mieux coller à l’originale et la terminaison en DVX.
MONeta CAstellI pour Châtel sur Moselle
Gaucher de Chatillon
La légende GAVCH pour Gaucher et WEDEM-M pour Vaudémont
L’avis des autres auteurs
Pour M. Flon ce monnayage appartient à Ferri IV de par je suppose l’interprétation de la légende.
M. De Saulcy ne connait pas ce type, il n’apparait pas dans ses travaux. Par contre, au sujet du denier de Renaud de Bar au type armé, il le met au profit du conté de Bar administré par l’évêque Renaud de Bar en cette période, ce qui expliquerait le chevalier en arme et la titulaire de L’évêque.
M. Robert classe cette monnaie sous Ferri IV mais en imitation du type messin. Il s’étonne qu’un atelier ducal ait imité le produit d’un atelier moins important et indique que le mot MONETA sans complément indique une contrefaçon d’un petit seigneur. Il souligne que dans ces conditions, il est normal que certains numismates aient classé cette monnaie pour Fénétrange.
M. De Mey attribut la monnaie à Raoul probablement à cause de la légende et son R qu’il place en début de celle-ci.
Période de Fabrication
Notons d’abord une remarque judicieuse de M.Flon page 449 de son ouvrage, ce denier fut frappé sur une courte période.
Les deniers d’origine frappés par Thiébaut II et Ferri IV l’ont été entre 1302 et 1329, qui correspondent à l’étendue de ces deux règnes. Il est fort à penser que Ferri IV n’imita le monnayage de son père qu’au début de son règne le temps de choisir de nouveaux types pour bien se démarquer de son prédécesseur comme c’est la plupart du temps le cas.
Les imitations de Renaud de Bar dont le règne débuta en 1302 jusque 1316 sont à cheval sur les règnes des deux Ducs. Il fut administrateur du comté de Bar jusqu’à 1303, date où il devient évêque de Metz nommé par le Pape. Il est alors obligé d’abandonner cette charge. Ceci explique probablement les deniers du type au chevalier qui lui sont attribués. Ils auraient alors été fabriqués avant cette date et la gestion du comté de Bar justifierait l’utilisation d’un type proche de celui du Duc.
Pour l’évêché de Toul, la période de production ne peu se situer semble-t-il qu’à partir de 1306, date d’élection d’Otton de Granson puis de Guy de Pernes 1306/1307, Eudes Colonna 1307/1309 et Jean d’Arzillières 1310/1320 auquel certain auteurs accordent ces deniers anonymes. M. Flon précise que ces monnaies auraient été émises par le Duc avec l’autorisation du prélat dans les ateliers de celui-ci afin d’accélérer la production et ceci pour hâter le remboursement de dettes de l’évêque.
La ville de Toul semble avoir forgé ces deniers à partir de 1306 en réponse à l’évêque Otton avec lequel elle est en conflit (peut-être à cause des dettes de celui-ci).
Henri III de Vaudémont n’aura fabriqué que peu de monnaies, Il a forgé celle-ci à Châtel sur Moselle avant 1306, date à laquelle il se marie avec la fille du Duc Ferri III. L’accord issu de ce mariage lui permis d’éponger les dettes qu’il avait et le poussa d’une façon ou d’une autre à cesser son activité de monnayage.
Gaucher de Chatillon a également imité ces deniers. M. Flon part sur la base du mariage de celui-ci avec la veuve du comte de Vaudémont pour faire commencer la frappe de cette monnaie avec Ferri III et ainsi attribué certaines monnaies à celui-ci. C’est sans compter sur le caractère du connétable de France. Il frappa cette monnaie probablement sans demander aucune autorisation pendant la période de ce mariage 1301/1312. Il dut en plus profiter de la minorité du futur comte de Vaudémont Henri III. Il récidiva en 1314 lorsqu’il épousa Isabelle de Rumigny veuve de Thiébaut II et qu’il entra en conflit avec Ferri IV pour la frappe de monnaie à Neufchâteau qui faisait partie du douaire de sa nouvelle femme Isabelle de Rumigny. C’est un arbitrage qui dura jusqu’à 1318 qui lui permit d’obtenir en partie ce qu’il désirait. Son opiniâtreté et son lien de vassalité avec le roi de France souvent en conflit avec le Duc sont surement pour beaucoup dans cette fabrication. Notons qu’il n’existe pas d’imitation pour Florennes qu’il acquit en 1313, ni Neufchâteau que son union lui apporta en 1318.
Henri III comte de Bar ne fabriqua pas ce denier et d’ailleurs peut de types monétaires, on pourra peut-être rattacher au comté les exemplaires fabriqués sous la tutelle de Renaud de Bar même s’ils sont frappés à Epinal. Edouard qui succédera à son père en 1302 commencera un monnayage dont ces deniers seront absents.
Les évêques de Verdun ne semblent pas avoir imité ce denier.
Pour une meilleure lisibilité des différents règnent par rapport aux autres, voici un tableau qui éclairera peut-être un peu mieux ces explications.
Pour ma part, je pense que l’on peut situer la fabrication de ces deniers entre 1302 début du règne de Thiébaut II et 1312 décès de Hélisende de Vergy, femme de Gaucher de Chatillon et dont l’usurpation du droit de monnayage s’éteint complètement à l’accession de Henri III au titre Comtal.
La seigneurie de Fénétrange, fief de l’abbaye de Remiremont
La seigneurie de Fénétrange(ou Filestrange) détenait le droit de battre monnaie depuis au moins 1070. A cette date, l’empereur Henri IV fixe la redevance due par l’Abbesse Gisèle de Remiremont (Fénétrange dépendait de l’abbaye de Remiremont à cette époque pour le droit de battre monnaie à Remiremont ainsi qu’à Fénétrange même s’il n’est pas possible pour l’instant de différencier les deux officines.
L’abbaye de Fénétrange détient donc le droit de battre monnaie.
Ce fief est une avouerie jusque 1275, les seigneurs du lieu ont la délégation de l’abbaye de Remiremont pour protéger l’endroit par les armes. Il y aura en 1252 la fondation du prieuré Saint Léonard où résideront de façon permanente deux abbés pour la gestion de l’avouerie.
En 1275, Hugues de Fénétrange reçoit en toute propriété le château de Diemeringen, il est alors dégagé de tout lien de dépendance féodale par le marquis de Deux Ponts dont il était le vassal.
En tant que seigneur du lieu, rien n’empêche ses successeurs de profiter du vieux droit de monnayage des abbesses à leur profit. On en aura l’exemple plus tardif avec Diane de Dommartin et Geneviève d’Urfé.
Pour ces raisons, j’attribuerais ce denier à la seigneurie de Fénétrange.
Le personnage s’il s’agit d’un abbé peut rappeler l’origine du droit, l’oiseau de proie et le second attribut dans la main droite représente le droit de fauconnerie que seules la noblesse possède et la légende peut s’interpréter ainsi :
MONETA D’e FEnetRange
Je tiens à remercier M. Renard qui a su orienter ma recherche sur Fenetrange et dont l’érudition à éclairé quelques aspects de la numismatique de cette époque.
Gérald Pedon
Bibliographie
Histoire monétaire de la lorraine et des trois évêchés par M. Dominique Flon
Recherches sur les monnaies des Ducs héréditaires de Lorraine par F. de Saulcy
Les monnaies de Metz par F. de Saulcy
Description de la collection numismatique de M. P.Charles Robert
Les monnaies Lorraines de Jean René de Mey
Un « état » singulier et minuscule : la baronnie de Fénétrange par Albert Eiselé
Diemeringen et environs…au fil des siècles par Georges Brunner
La maison souveraine et ducale de Bar par Georges Poull
Notice de la Lorraine de Dom Calmet